dimanche 11 octobre 2015

Du Selfie.



Du Selfie.

Un mouvement, non, plutôt une mode, s’est déclenchée depuis quelques temps, que dis-je, quelques années : le selfie. Maintenant, nous pensons selfie, nous vivons selfie, nous mangeons selfie. Oh oui. Nous en mangeons. Et si nous le pouvons plus, à cause d’une quelconque indigestion, nous en absorbons par perfusion. Le selfie est partout, nous environnant, nous dominant presque, comme l’ombre menaçante d’un rapace qui plane au-dessus d’un pauvre petit lapin innocent et tout mignon. Ce phénomène est maintenant normalisé et établi, puisqu’il va même faire une entrée décisive dans notre cher Larousse en 2016. Le selfie est donc, pour le dire dans des termes académiques : « une photo prise de soi-même à bras portant avec son téléphone portable ou son appareil photo destiné à être publié sur internet ; la photo a pour but de montrer une expression particulière, un décor ou une personne importante ».  Avec  ses nombreux dérivés, tous plus étonnants les uns que les autres : le delfie (aussi death-selfie, photo prise à un enterrement), le welfie (le moins tordu de tous : photo de soi en train de faire du sport), le drelfie (pour prendre très gentiment son ami, ou soi-même, ou les deux, complètement cuits par l’alcool) et le plus populaire de tous en ce moment : le belfie (photo de son beau popotin). Et j’en passe et des meilleures.
Mais quelle est la valeur communicationnelle du selfie ?

Parce que, quoique l’on en dise, c’est un acte communicationnel, malgré le fait qu’il soit tourné vers soi, et que les plus vilains le qualifient de « narcissisme exacerbé ».  Il a tout de même vocation à être diffusé, ou du moins montré ! Alors est-ce un moyen de communiquer avec d’autres, ou bien de se montrer ? Je pense que derrière cette volonté de se mettre en avant, il y a à la fois le révélateur d’un certain mal être et une envie de participer à cette ritualisation sociale. Un mal-être, oui, même si chacun veut se voiler la face. L’évidence serait de dire qu’il s’agit d’un mal être personnel, une sorte de volonté d’être reconnu par cette image, car une certaine hypocrisie de notre société, il faut bien le dire, fait que personne ne va critiquer le cliché en question (« oh, tu es trop belle, ma chéwiiiiie »). C’est une manière de prouver une existence, que ce soit la sienne, ou celle d’un lieu ou d’une personne, une manière de se rassurer.


Mais évidemment, il ne s’agit pas que de ce mal-être personnel. Il est peut-être tout simplement social, car il est le reflet d’une volonté de s’affirmer en tant qu’individu, dans une société qui a tout de même tendance à vouloir mettre en avant la majorité, le tout, le « peuple », les « citoyens », termes généraux qui ont tendance à écraser la particularité. Mais c’est ici que le selfie devient paradoxal : en affirmant notre individualité par cette photo, nous créons une nouvelle généralisation, puisque le phénomène s’étend ; et, alors que le mouvement était en lui-même original, ce sont maintenant les clichés les plus recherchés, les plus originaux qui sont valorisés (d’où les dérives…). 



Chacun veut montrer qu’il adhère à ce « geste », qui, soit dit en passant, existe depuis bien longtemps, pour s’inclure dans notre société et ne pas se sentir à part. Ce mode de communication a crée un réseau immense de personne, tissant une sorte de lien social interculturel, international, inter-tout-ce-que-vous-voulez. Donc même si la personne est seule sur la photo, elle est fondamentalement liée au reste du réseau, qui a d’ailleurs la particularité de nous rapprocher des individus habituellement inatteignables, comme des stars, des hommes politiques, et même le Pape. Et plus récemment, d’un macaque qui a fait une entrée remarquée et remarquable dans ce réseau !!
Alors peut-être le selfie est-il la forme la plus totale et la plus aboutie de la communication, alliant image, message, et réseau. Ou bien justement, un échec de cette communication en s’infiltrant tellement dans notre intimité qu’il nous rend, nous et notre message, complètement transparents.

Qu’en pensez-vous ? :-D

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