mercredi 28 octobre 2015

Faut-il obéir à une loi injuste?



Photo: Julien Airault


Faut-il obéir à une loi injuste ?


La remise en cause des lois est très présente dans notre société ; nous croisons toujours sur notre chemin un pseudo rebelle qui annonce d’une voix claire et nette : « rien à fou*re, je ne me plierais pas à ça ». Nous avons également tous eu des doutes sur le résultat, mais enfin la remise en cause est là. Les différentes manifestations sont aussi là pour nous rappeler que nous pouvons protester face à une loi que jugeons injuste, mais doit-on pour autant refuser d’y obéir ? 

La réponse évidente serait de dire que non, il ne faut pas se soumettre à ce genre de loi. Cette réaction est dictée avant tout par notre cœur, notre conscience. Nous ne pouvons pas supporter d’appliquer une telle loi si elle ne correspond pas à notre manière de penser, à ce que nous pensons légitime. Nous, les humains, nous avons tous vécu trop d’expériences terribles pour accepter qu’elles se reproduisent : devons-nous encore évoquer le caractère légal du régime hitlérien ou des lois antijuives de Vichy ? Non seulement la loi peut-être issue d’un régime illégitime, mais même issu d’un régime démocratique, elle n’est pas toujours juste, fût-elle votée à la majorité. Comme l’a dit Coluche, « ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tord qu’ils ont raison ». Il apparaît alors comme un devoir moral pour la minorité ou les protestataires en général de se rebeller et de lutter contre ces lois injustes, pour défendre ce qui leur tient à cœur. Heureusement que les féministes ont eu le courage de se lancer dans ce combat pour défendre les droits de la femme, sinon nous ne pouvons même pas imaginer où nous en serions aujourd’hui. « Entre ma mère et la loi, je choisis ma mère », a dit Camus, et cela semble être une cause honorable. Après tout, la loi semble être une règle générale établie par une autorité, voire même imposée, et ce qui est générale peut ne pas s’appliquer au particulier. Et ce qui est légal peut ne pas être légitime, c’est-à-dire conforme aux valeurs fondamentales de l’humanité, et il semble facilement envisageable dans cette optique que nous soyons taraudés par l’envie d’y désobéir. Nous pouvons d’ailleurs facilement opposer aux lois humaines les lois divines pour ceux qui y croient, ou les lois naturelles, face auxquelles elles semblent bien dérisoires et subjectives.
S’abriter derrière la loi, c’est renoncer à son devoir d’homme, renoncer à juger en s’abritant derrière une norme abstraite au lieu d’écouter son cœur et sa conscience.

Cependant… Qui a réellement le courage de s’opposer à une loi, même injuste ? Oui parce qu’il faut bien dire ce qui est, s’opposer à l’autorité, qu’elle vienne du gouvernement ou de ses parents, c’est une transgression qui peut coûter cher. La peur de la punition, de l’isolement, le fameux « seul contre tous » peut tous nous mener à nous soumettre tout de même. Et puis il y a toujours cette pensée qui nous rassure : « d’autres le feront ». L’homme pense avant tout à sa sauvegarde, et la punition peut être plus cruelle encore que ne l’est la loi. Rien que l’exemple qui a pu être donné, ou la suggestion de ce châtiment a un effet rédhibitoire et très compréhensible, pour ne pas dire « humain ». La deuxième raison qui empêche l’insoumission est la peur du désordre. Oui parce que vous imaginez un peu le monde si chacun remettait en cause la légitimité d’une loi ? Non seulement cela décrédibiliserait la justice en général, mais en plus cela ferait de la société une véritable jungle ! Parce que si vous pouvez désobéir à une loi, pourquoi pas à toutes les autres ? Chacun pourrait trouver une bonne (ou non) raison pour braver l’autorité. Décider de s’insurger contre une loi, c’est s’arroger le droit de décider seul ce qui est juste ou non contre tous ceux qui l’ont établie ; qui sommes-nous pour décider que notre voix est universelle ? Il est vrai que le problème de la majorité est capital ici. Nous n’allons pas discuter trois heures d’un pouvoir illégitime, je pense que nous tomberons tous d’accord. Mais pour la démocratie… Le vote se fait grâce à cette majorité. Le gouvernement ne pourra jamais obtenir une réponse à l’unanimité ; la loi n’est donc pas absolument juste pour tous. Toutefois, elle sert la majorité, et lui obéir semble être un devoir. Elle est la norme qui s’impose à tous et en toutes circonstances (ne parlons pas de la corruption et autres traitements de faveurs).

Pour résumer, l’une des questions essentielles est de savoir ce qui motive la volonté de ne pas se soumettre à une loi : cela dépend-t-il de ma propre subjectivité (« mes impôts sont teeeellement élevés, je ne veux pas les payer ») ou de valeurs universelles (une loi qui porte atteinte à une minorité ou un individu) ? Il est clair que nous avons le droit de protester contre une loi, de manifester et militer pour qu’elle soit abrogée si elle attaque des valeurs universelles, car nous avons une faculté de juger, et nous nous devons de l’utiliser pour être dignes de notre humanité. Mais l’homme est bien incapable de savoir mesurer ses actions, et cela peut vite déboucher sur le chaos et une situation parfois pire que la précédente. Nous avons tous en tête la Révolution française, dont la légitimité n’est pas à remettre en cause. Mais celle de la Terreur qui a suivi, par contre,… Sans parler du fait que cela peut remettre en cause l'idée de départ: les actions parfois trop extrémistes des femen ne desservent-elles pas la cause?
Comment faire ? Se soumettre à la loi pendant que notre action produise des résultats ? Agir anonymement pendant que nous obéissons à visage découvert ?
Qu’en pensez-vous ?






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