The Marriage of Reason and Squalor,
II, Frank Stella, 1959, Museum of Modern Art, New York.
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Cette œuvre est signée Frank Stella (né en 1936), artiste
américain considéré comme précurseur de l’art minimaliste, et artiste principal
de l’Op Art, ou art optique, qui exploite la fiabilité de l’œil au-travers
d’illusions ou de jeux optiques. Il commence tout d’abord par être influencé
par l’expressionnisme abstrait, avant de rejeter son lyrisme et l’utilisation
de la peinture comme moyen d’expression d’une intériorité en 1950. Sa première
exposition est dédiée à ses Black
Paintings dont est issu le tableau que nous allons étudier. Carl Andre,
artiste plasticien américain, écrira au sujet de ces œuvres : « l’art
exclu le superflu, ce qui n’est pas nécessaire. Pour Franck Stella, il s’est
avéré nécessaire de peindre des bandes. Il n’y a rien d’autre dans sa peinture.
Frank Stella ne s’intéresse pas à l’expression ou à la sensibilité. Il
s’intéresse aux nécessités de la peinture… Ses bandes sont les chemins
qu’emprunte le pinceau sur la toile. Ces chemins ne conduisent qu’à la
peinture. » Cette phrase représente bien l’idéologie de Stella, selon qui
« what you see is what you see».
Cette
œuvre, intitulée The Marriage of Reason
and Squalor, II, fut réalisée en 1959. Ce titre, signifiant littéralement
Le Mariage de la Raison et de la Misère (Noire), est accrocheur et contraste
avec l’œuvre qui se limite à une couleur, le noir, et à un dessin en bande
géométriques peu apparentes dans une facture très impersonnelle et plate. Le
mariage renvoie à un thème classique de l’art, traité de manière académique, ce
qui n’est pas le cas ici. Le noir est certes la couleur de la toile, mais il
est travaillé de telle sorte qu’il s’associe virtuellement au blanc de la
lumière qui se reflète dans l’œuvre.
Le support
est en toile et la technique utilisée est l’émail. L’œuvre est composée de U
noirs inversés et parallèles, contenant des bandes séparées par de fines lignes
de toile vierge. Le motif géométrique est répété, sans figuration ni coup de
pinceau expressif de l’œuvre, et le spectateur est obligé de reconnaitre cette
toile comme une simple surface plane recouverte de peinture, sans
représentation. Elle mesure 2,30 m par 3,40 m, ce qui invite le spectateur à
s’éloigner de l’œuvre pour mieux l’appréhender.
La couleur
noire est une couleur qui fait débat car elle pose la question de savoir si
nous pouvons la considérer comme une couleur ou non. Il est maintenant à peut
près acquis que le noir est une couleur, mais qui représente l’absence de
couleur. Traditionnellement, cette couleur évoque le deuil, l’autorité, la
révolte, la sobriété ou le mystère. Elle a été le premier pigment préparé par
l’homme à partir de bois carbonisé ; elle reste la couleur la plus
consommée par l’homme pour l’écriture, l’imprimerie, la peinture, et elle est
également la couleur pour laquelle il existe le plus grand nombre de procédés
de production. Il s’agit ici de peinture industrielle, dont l’utilisation est
caractéristique des œuvres minimalistes.
La lumière
de l’œuvre est due aux stries claires et à la réflexion de la lumière du lieu
ou elle est exposée sur le pigment noir, ce qui lui donne de nombreux reflets.
Nous retrouvons bien ici toutes les caractéristiques des œuvres minimalistes,
avec une volonté de ne pas représenter un sujet précis auquel le spectateur
peut se raccrocher. L’œuvre n’existe que grâce au regard de celui-ci et à la
relation qu’il crée avec elle. Son environnement aussi est important ; la
lumière se reflète sur elle, la place qu’elle prend dans son environnement,
puisqu’elle est grande, est aussi capitale : l’œuvre rayonne hors de son
cadre par illusion d’optique, virtuellement.
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